C’est nouveau, c’est beau, c’est réjouissant !
À petite ou grande échelle, à des kilomètres des confins, au coin de ma rue ou au sein de ma chambrette de quelques mètres carré, c’est encore et encore du voyage et de l’aventure !!
Écoutant attentivement un Blaise Pascal qui, dans ses Pensées publiées en 1670, nous murmure ce commentaire perturbant pour un lecteur du XXIe siècle avide d’ailleurs et de divertissement : “Tout le malheur des hommes vient de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre”…
À l’instar d’un Xavier de Maistre qui, dans son “Voyage autour de ma chambre” publié en 1784, raconte sa mise en quarantaine à Turin pour une affaire de duel interdit…
Alors que se prolongent les couvre-feux dans l’Hexagone (et ailleurs ?), alors que pointe un troisième confinement, je dois me rendre à l’évidence, VOYAGER est ma nature, voyager est ma manie. Je ne peux faire autrement que de poursuivre avec détermination et adaptation mon essence d’écrivaine-voyageuse, mais aussi de voyageuse-chercheuse. Autrement dit :
Mon nouveau Journal de Voyage s’intitule “Journal d’Escapade“.
Après le “Journal de Résidence” où je rapportais mes aventures en résidence d’écriture, à vrai dire le “Journal d’Escapade” pourrait s’écrire au pluriel – “Journal d’escapades” – car ses micro et macro-aventures seront nombreuses, quoi qu’il advienne dans cette pandémie ou pourquoi pas cosmopandémie (j’ose ce néologisme effrayant) !
Ok. Le virus voyage, paraît-il, mais je vous assure, je voyage moi aussi !
Pourquoi coupler cette fois le mot “escapade” et non “voyage” ou “résidence” au mot “journal” ? Car j’ai voulu trouver un mot qui se caractérise par sa brièveté. Car soyons francs, je ne prévois pas de voyage au long cours dans les mois qui viennent. Quoique… Nous verrons si certaines visions peuvent s’actualiser malgré tout… J’ai choisi le mot “escapade” car je trouve tout d’abord sa consonance charmante. J’y vois un escalier, une échappée, une escalade tout à la fois et ce trio me ravit ! Comme le décrit le TLF, le Trésor de la Langue Française que je consulte de manière quotidienne, l’escapade est cet espace de liberté fugace, de rupture avec la routine, ce temps d’évasion. Finalement le terme répond parfaitement à mon besoin d’un mot signifiant un bref voyage hors des conventions :
Ainsi, je vous en témoigne aujourd’hui, ma première escapade de l’an 2021, cette échappée belle à quelques petits kilomètres de mon domicile fut montagnarde.
La particularité de mon envie de voyage était son abstraction.
Je n’avais pas envie d’un lieu spécifique comme “Tiens, j’ai envie d’aller sur une île des Açores ! Ou alors à Sucre en Bolivie !”
Je ne pensais pas à un nom de pays ni de ville de prédilection ou de curiosité.
En ce début d’année, mon intuition, mon appel, ma destination était abstraite.
C’était d’abord une couleur : le blanc.
Ensuite un élément, une matière : la neige, les flocons.
Creusons cela. Qu’est-ce qui, chez moi, appelle un “voyage-escapade” ?
Pour cette première étape de 2021, j’ai senti grandir en moi l’envie d’une sensation à la fois tactile (la neige dans mes mains) et visuelle (du blanc partout). Bien souvent mon envie de voyage naît d’une envie d’Autre chose, Autrement, Ailleurs. Parmi ces trois A, cette fois-ci j’étais particulièrement appelée par le premier : Autre chose, et c’était la neige immaculée. Parce que là où j’habitais, la neige n’était pas tombée. Tomberait-elle un jour ? Ce qui était sûr, c’est qu’elle me manquait, cette neige pure et simple. Pour la Française originaire d’Île-de-France que je suis, un hiver sans neige n’est pas un véritable hiver. Besoin de neige.
Maintenant.
Destination atteinte apparemment : me voici au Cirque de Gavarnie.
Matière touchée : le gros flocon de neige bien réel et glacé comme on l’aime.
Pas besoin d’avion ni de train. Besoin d’une voiture tout de même. Non je ne pourrai malheureusement pas me targuer d’avoir accompli le voyage zéro déchet. À quelques kilomètres en voiture donc, ma destination fut plus concrètement la ville de Lourdes.
Lourdes, ville spirituelle et touristique… ou touristique et spirituelle dans l’ordre que vous jugerez le plus à propos.
Lourdes allégée de ces hordes de touristes-pèlerins.
Lourde vide ces jours-ci, Lourdes en hibernation quasi totale depuis mars 2020 et le premier confinement.
Lourdes endormie, au ralenti. Parfait pour déconnecter !
Lourdes, deuxième ville hôtelière de France – je viens de l’apprendre.
Lourdes ville célèbre dans le monde entier à partir d’une apparition miraculeuse de la Vierge Marie sous les yeux d’une jeune fille qui ne connaissait pas Dieu. Lourdes la fameuse à partir d’une vision d’abord niée, dénigrée puis finalement accréditée par des croyants et leur Église.
Ces jours-ci Lourdes est déserte, avec ses rangées d’hôtels inhabités ces mois-ci. Volets fermés partout. Lourdes ville-fantôme ?
Une drôle de destination en ce mois de janvier.
Raison de plus pour y aller, car parfois j’aime faire ce que personne ne ferait. Petit habitude de petite rebelle à petite échelle : rappelons-le, quand on fait une escapade, on se dérobe à l’habitude, au trajet conventionnel, on échappe au bon sens…
Alors pourquoi pas Lourdes en semi-confinement et couvre-feu à 18h, en un séjour court de deux jours à peine ?
Lourdes, son Sanctuaire, la grotte de la jeune Bernadette Soubirous, le culte de l’Immaculée Conception, la chapelle de la Réconciliation, les chapelle des Lumières, la fontaine d’eau miraculeuse et bien sûr : ma chapelle-salle de bain privée et son vitrail coloré.
Pendant cette escapade, sachez-le, j’y ai beaucoup prié. Croirez-vous cette déclaration ? Bonne soeur dans une autre vie, j’ai été.
Pendant quelques heures, dans le Cirque immaculé de Gavarnie j’ai marché.
Sans bâton de pèlerin, mais le coeur y était.
Moment béni d’air pur et revigorant.
Le son du pas enneigé qui craque sous le chaussure solitaire.
Quelques enfants faisaient de la luge non loin de moi.
Mes chaussures de randonnée oubliées, quelle tête en l’air !
Tennis Nike Air ont fait l’affaire.
C’était beau, c’était simple, c’était exactement ce dont j’avais besoin.
Le blanc et la neige.
Et puis j’ai piqué un somme dans ce vaste manteau de neige après avoir entendu le grondement d’une avalanche au loin. Pas rassurant mais j’ai poursuivi l’escapade.
Pas besoin d’igloo, pas besoin de couverture, juste besoin de m’étirer pour me sentir collée à Terre-Mère.
Pour conclure, je dirais que mon escapade n°1 fut un temps choisi d’évasion hors des frontières de l’habitus, un moment fulgurant et intense, un espace savoureux car hors du temps. Mon escapade fut le lieu sacré de ma sensation de vérité. Sensation tactile de mon corps, tempo de la marche dans un lieu que je découvrais pour la deuxième fois (la ville de Lourdes où je m’étais déjà rendue en 2016) et un autre que je découvrais pour la première fois : le cirque de Gavarnie.
Cette première étape d’escapade fut pour moi une parenthèse cotonneuse qui m’a ragaillardie en me remémorant la petite fille d’Île-de-France qui faisait des bonhommes de neige dans sa cour d’école des Yvelines dans les années 80, quand le réchauffement climatique n’avait pas encore abrégé les hivers enneigés en cette latitude.
J’ajoute que pendant ces deux jours, j’ai éteint les smartphones, les ordinateurs portables, les sonneries de téléphone, j’ai quitté un temps les boîtes mails et les réseaux sociaux. “Action de s’échapper d’une dépendance” nous dit le TLF. C’est pourquoi vous n’avez reçu aucun signe de moi. “Action de s’échapper des règles de la bienséance, de la morale, du bon sens, du devoir” nous dit le TLF. Mon silence a-t-il frôlé l’impolitesse ? Vous me direz.
J’étais pourtant en train de vivre une escapade dense et pleine de vie !
Quelle sera la prochaine étape de mon Journal d’Escapade ?
Je n’en sais rien et c’est cela qui est beau.
© Nirina Ralantoaritsimba – tous droits réservés – Lundi 18 janvier 2021