Jour de Résidence #8
On 15 October 2020 | 0 Comments | Non classé |

 

Les couleurs de la vie, les couleurs de la vie, les couleurs de la vie… Je ne sais pas vous, mais moi je navigue perpétuellement entre deux états d’âme polarisés, me baladant dans toutes les couleurs du camaïeu entre les deux : tantôt je trouve la vie terriblement injuste, tantôt je trouve la vie incroyablement sublime. Sublime comme ce petit pot de fleurs de mon jardin actuel. Tantôt je suis en oscillation, équilibrisme quelque part entre les deux…

Quand je me regarde dans le miroir, je me dis : mais quelle instabilité émotionnelle !

Et puis finalement je me dis : de quelle couleur te sens-tu ? Grise aujourd’hui,  jaune fluo dans 24 heures, bleu ciel dans 33 heures, noire dans 48 heures, blanche dans 49 heures, rose dans 72 heures, rose fuchsia dans 72h15, orange pâle dans 365 jours…….

Et vous ? Connaissez-vous toutes les couleurs par lesquelles vous naviguez dans une minute, une heure, un jour, une semaine, un mois, une année, une vie ?

Il y a quelques jours, je célébrais le jour de mon arrivée sur terre, de ma première inspiration d’oxygène dans l’air ambiant. Il y a quelques jours, je sentais une bénédiction, un soutien, un signe d’amour. Une raison de me sentir heureuse.

Aujourd’hui, je me vois contrainte d’écrire ce mail à une femme que je ne connais pas, mais qui est mon interlocutrice et qui fait partie d’une équipe administrative d’un théâtre que je ne citerai pas, mais où je viens d’acheter une place pour assister à un spectacle.

 

 

C’était quand, pour vous, la dernière fois que vous vous êtes assis.e (masqué.e et pas masqué.e) dans une salle de théâtre ?

 

*

Bonsoir (…),

Je sais que les temps sont durs. Incertains. Frustrants. Voire déprimants. Pour les uns, pour les autres, plus pour les uns que pour les autres, on ne va pas faire la compétition de la souffrance en pandémie. On pourrait mais je ne vais pas aller dans cette direction.
Je sais que je ne sais pas… par quels états d’âme passent mes interlocuteurs dans leur vie quotidienne, personnelle, intime.
Je sais qu’il y a du mal-être dans beaucoup d’administrations, beaucoup de bureaux, dans des institutions, du privé du public…
Mais c’est justement le moment idéal – ce moment où on est tous en faiblesse – pour faire preuve de patience et d’indulgence les uns envers les autres, non ?
La femme que j’ai eue au téléphone m’a parlé avec (je cherche le mot juste)
soit désinvolture frisant l’impolitesse ?
soit nonchalance masquée d’une condescendance ?
soit irritation car en déprime car touchée de près par la maladie ?
soit irrespect tout court ?
C’est regrettable. Je dirais même, c’est délétère.
J’appelle pour acheter une place pour un spectacle qui me fait plaisir et qui surtout peut contribuer à la survie de nos théâtres et nos artistes, notre culture.
Tout se joue dans des petits moments anodins comme celui de demander un renseignement à une billetterie, de donner mon numéro de carte bleue par deux chiffres et non un par un. 
Mais mon interlocutrice répond à mes questions anodines (et j’imagine répétitive oui) avec un profondément agacement. Je l’entends irritée que je n’aie pas tout de suite exécuté son ordre de donner mon numéro de carte comme elle le souhaite. 
Je le répète ici : elle a sans doute toutes les raisons (que j’ignore) d’être agacée et irritée. Là n’est pas la question. Car je n’ai personnellement rien à voir avec ce que j’ignore de sa vie et nous sommes tous dans le même bateau.
C’est fort regrettable que ce soit vous qui n’y êtes pour rien, qui receviez ce mail peu agréable à lire.
Mais nous sommes tous reliés. 
Et si on ne fait pas tous un effort dans l’adversité, on va tous couler.
Vous pouvez forwarder ce mail à vos collègues. 
Ils/elles se sentiront peut-être offensé.e.s que je dise ainsi mon sentiment. Je tente le tout pour le tout. Je cherche un peu d’humanité partout où je vais.
Ils/elles se mettront peut-être aussi à ma place de cliente et spectatrice et humaine tout court de votre théâtre qui me manque. 
Je vous souhaite, de tout mon coeur, bon courage pour garder votre équipe soudée et nous, le public, avec.
Nirina Ralantoaritsimba
*
Les couleurs de la vie, les couleurs de la vie, les couleurs de la vie… Je ne sais pas vous, mais moi je navigue perpétuellement entre deux états d’âme polarisés, me baladant dans toutes les couleurs du camaïeu entre les deux : tantôt je trouve la vie terriblement injuste, tantôt je trouve la vie incroyablement sublime. Sublime comme ce petit pot de fleurs de mon jardin actuel. Tantôt je suis en oscillation, équilibrisme quelque part entre les deux…
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