Dialogue entre une professeure et un docteur
On 21 March 2020 | 0 Comments | Non classé |

 

La co-création est à l’oeuvre !

 

DIALOGUE 

ENTRE 

LA PROFESSEURE 

ET 

LE DOCTEUR

 

Un texte co-écrit par

Nirina Ralantoaritsimba et Hugo Victor

 

(En France, confinement en mars 2020…)

 

Mardi 17 mars 2020, midi et quelques

 

La professeure :

Le monde va mal, docteur. 

 

Le docteur : 

Racontez-moi ce qui vous amène…

 

La professeure :

J’ai mal à la tête, mal à la gorge. Je suis en télétravail depuis quelques jours avec mes élèves et je ne tiens plus.

 

Le docteur : 

Je comprends… Tenez prenez le temps de vous installer au moins… Voilà !

 

La professeure : 

Vous les sentez, toutes les questions qui affluent dans les cerveaux de vos patients ? Ils doivent vous abreuver de questions, non ?

 

Le docteur :

Oui je sens que ça bouillonne dans votre cerveau ! Beaucoup de questionnements…

 

La professeure :

Oui…

 

Le docteur : 

Permettez-moi de préciser mon ressenti concernant ces questionnements… Ils me semblent agités, ces questionnements. Comme s’ils connaissent, depuis peu, une accélération ! Une accélération tout à fait particulière car je la modélise par un sablier ! Vous voyez ? Ces derniers grains de sable qui semblent s’accélérer lorsqu’ils passent de l’autre côté ? 

 

La professeure :

Oui c’est un peu ça ! 

 

Le docteur :

Bon… Que pensez-vous d’une petite séance de relaxation ? Je propose parfois cela après avoir fait connaissance, mais pour vous je pense que ça peut être intéressant de l’expérimenter aujourd’hui !

 

La professeure : 

Je n’ai jamais fait ce genre de séance… Hypnose. J’espère que ce n’est pas comme ce magicien médiatique qui vous fait faire n’importe quoi !

 

Le docteur : 

Vous devez sûrement parler de l’hypnose-spectacle… Non, cela n’a rien à voir heureusement ! Non il s’agit plutôt d’une méditation guidée.

 

La professeure : 

Mais je rigolais, je vous fais confiance, docteur.

 

Le docteur : 

Ok très bien ! Allez-y installez-vous confortablement sur ce fauteuil… Sentez vos pieds posés au sol… Sentez les pieds et les mains ainsi relâchés… Ancrez le corps ici ! L’esprit aussi peut-être… Car il y a une chose à laquelle je crois, c’est qu’on ne passe les épreuves que si nous sommes ancrés à quelque chose. Pour certains c’est un lieu, pour d’autre c’est une personne. Pour d’autres enfin, c’est soi-même… Vous voyez, les possibilités sont multiples… Comme ces grains de sable…

 

La professeure :

Pour tout vous avouer, je croyais que vous alliez m’examiner, plutôt…

 

Le docteur : 

L’hypnose n’est rien d’autre qu’un examen de l’esprit à travers le jeu de la métaphore ! Mais revenons à l’essentiel. Parlez moi de ce qui vous amène aujourd’hui… Pourquoi ce jour ? Pourquoi maintenant et pourquoi de cette façon ? 

 

La professeure :

Je ne me sens pas très bien depuis quelques jours. Il paraît qu’on est en guerre. Mais moi, je la sens, cette guerre, à l’intérieur de moi-même. Je crois que je couve ce mal depuis bien longtemps, et comme une mauvaise patiente que je suis, j’attends la dernière minute pour aller me faire soigner ma rage de dents. Mes symptômes : migraine depuis trois jours et mal de gorge. Hier, j’ai même cru que je me déclenchais une extinction de voix. J’ai dû annuler mon cours en visioconférence avec mes élèves. Je pense qu’ils étaient bien contents d’ailleurs.

 

Le docteur : 

Vous pensez que cela à a voir avec le virus ?

 

La professeure : 

Je ne suis pas docteur.

 

Le docteur : 

Bon, comme je dis souvent, avant toute chose, il faut identifier LA chose ! Ainsi, quelle est cette guerre intérieure dont vous me parliez ? Précisez-la, mettez des mots dessus, cela va nous aider pour la suite… 

 

La professeure :

Entendez bien, docteur, quand je dis “guerre”, c’est une métaphore ! Je ne veux pas vous affoler non plus. Il y a quelque chose qui frotte en moi, qui s’entrechoque. Quelque chose qui gratte même parfois. Une démangeaison associée à une pression dans le thorax. Le plexus solaire. Et j’ai très très mal à la tête le soir. J’ai honte de le dire, mais j’ai besoin de médicaments, docteur. Quelque chose pour m’apaiser. Les tisanes de passiflore ne suffisent plus. 

 

Le docteur : 

Je vois… J’entends tout à fait ce que vous dites… 

 

Un temps de silence.

 

Le docteur : 

Ce qu’il y a, c’est que vous semblez prise dans un état émotionnel négatif favorisé par l’atmosphère ambiante actuelle. Vous me semblez très stressée. Souvent dans ces cas-là, je commence par demander aux patients : quel est votre temps passé devant les écrans en ce moment ? Surtout en ce moment, vous savez, avec cette histoire d’épidémie…

 

La professeure :

Je ne regarde plus les écrans justement docteur. Mon portable est tombé en panne. Il ne supporte pas la 5G, m’a dit un réparateur. Vous croyez que les écrans sont dangereux pour la santé ? Mais c’est vrai, quand vous m’en parlez… Je me dis que j’ai trop regardé mon écran de portable, juste avant qu’il ne tombe en panne. Il s’est lui-même essoufflé de me voir l’utiliser, faut croire… Vous pensez que je dois diminuer mon utilisation des écrans ?

 

Le docteur : 

Oui cela peut être une bonne idée voyez-vous. Fermez votre ordinateur, et allez regarder un bon film avec votre compagnon… Un film de Fellini par exemple ? 

 

La professeure :

Vous me prescrivez de ne plus regarder l’écran d’ordinateur non plus ? Mais c’est grâce à l’ordi que je regarde les infos ! Le journal télévisé, c’est important tout de même. On dit qu’il faut se tenir informés… Enfin, c’est ce qu’on dit. Un film de Fellini. Je n’en ai jamais vu. Entendu, je vais essayer d’en voir un. Vous me conseillez lequel ? Je ne sais pas si cela plaira à mon compagnon. Il préfère regarder le foot.

 

Le docteur :

Je suis tout à fait d’accord avec vous, il faut s’informer, oui ! Seulement une information choisie de par sa source et sa durée. Pas un aspirateur attentionnel. Celui-là laisse des marques émotionnelles, croyez-moi…

 

La professeure :

Ouh là là vous me faites peur, docteur. Vous pensez que je me crée des traumatismes ? Non vous avez raison, je vais arrêter de regarder BFMTV. Je sens que ça ne me fait pas de bien.

 

Le docteur :

Offrez-vous la possibilité de savourer autrement la vie. Vraiment, un bon Fellini vous fera du bien ! Tenez, La Dolce Vita par exemple. On dit qu’il dure presque trois heures… Vous me remercierez.

 

La professeure :

Un Fellini, d’accord, d’accord. D’accord docteur. Bon… Bon, je vais devoir y aller, j’ai une séance de kiné dans quinze minutes. Tenez, ma carte vitale. Elle est un peu écornée, j’espère qu’elle entrera quand même dans votre machine. C’est mon compagnon qui a fait une machine il y a deux jours, et la carte était dans ma poche de pantalon…

 

Le docteur :

Ah oui elle a du vécu, cette carte… Je vous fais le tiers payant ?

 

La professeure : 

C’est-à-dire ?

 

Le docteur :

Ok je fais le tiers payant… Et voilà pour vous votre carte ! 

 

La professeure :

Je vous fais un chèque, du coup ? Veuillez m’excuser, mais je ne sais jamais si je dois payer le tiers de la consultation ou quoi… Le “tiers payant”.

 

Le docteur :

Chèque espèce carte oui ! Le tiers payant n’est jamais vraiment bien compris. Nous-mêmes avons des cours dédiés à cela… 

 

La professeure : 

Ah bon ? Il faudra que j’y aille alors. La professeure du Ministère de l’Éducation Nationale qui va au cours du Ministère de la Santé, ça c’est drôle !

 

Le docteur : 

En fait, le tiers payant est une entité qui paye à votre place ! Tiers payant sécu, c’est monsieur Sécu qui paie une partie à votre place, voilà tout ! Tiers Payant mutuelle… Monsieur mutuelle !

 

La professeure :

Vous expliquez ça très bien. Mais je m’inscrirai au cours officiel quand même. Non pas que je n’aie pas confiance en vous, mais… Bon, je prends un de vos jolis stylos ? Voilà mon chèque, tenez. Au revoir docteur.

 

Le docteur :

Au revoir Mademoiselle ! Portez-vous bien… Et gardez vos microbes !

 

 

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